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      • 14 février 2008

        Les mauvais élèves de la loi SRU




        Rapport . À quelques semaines des municipales, la Fondation Abbé-Pierre publie un palmarès des villes qui ne font rien ou pas assez pour produire des logements sociaux.

        Puisque l’État ne fait pas son boulot, la Fondation Abbé-Pierre s’y colle. Pour la deuxième fois, ses équipes sont allées à la recherche des données permettant de savoir où en sont les communes dans l’application de la loi Solidarité et renouvellement urbains (SRU). Normalement, ces données devraient être publiques, puisque la loi prévoit qu’un bilan doit être fait par l’État tous les trois ans. Mais, regrette Patrick Doutreligne, délégué général de la Fondation, « nous n’avons pu y avoir accès malgré nos demandes ». Et de considérer qu’une telle situation « n’est pas acceptable dans une démocratie ».

        Les constats dressés sont en tout cas déjà très alarmants

        Votée fin 2000, la loi SRU (article 55) oblige les communes de plus de 3 500 habitants (1 500 en Île-de-France), appartenant à des agglomérations de plus de 50 000 habitants, à disposer d’ici 2020 d’au moins 20 % de logements sociaux. Le nombre de logements sociaux manquant est calculé pour chaque ville, qui doit alors construire tous les ans un certain nombre de HLM pour atteindre l’objectif de 20 %. En 2005 (lire notre édition du 22 septembre 2005), nous avions publié la liste des 742 villes qui ne respectaient pas les objectifs fixés par la loi. Elles sont aujourd’hui 736. L’étude de la FAP porte sur 720 communes et sur la période 2002-2006. Elle se base sur les logements financés, et comme il y a parfois une différence, en négatif, entre le nombre de logements financés et le nombre de logements effectivement construits, elle peut être, ponctuellement, en deçà de la réalité.

        Les constats dressés sont en tout cas déjà très alarmants. Sur les 720 communes étudiées, plus de 60 % (435 communes) n’ont pas respecté les engagements fixés par la loi. Parmi elles, 269 n’ont même pas atteint la moitié de leurs objectifs. Parmi les villes de plus de 50 000 habitants, la palme revient à la commune de Saint-Maur-des-Fossés (Val-de-Marne) qui n’a réalisé que 30 logements alors que son objectif était de 1 236, et qui n’affiche parallèlement qu’un petit 5,5 % de logements sociaux. Mais il ne faut pas oublier les plus petites communes qui se distinguent, comme Allauch (Bouches-du-Rhône, 18 907 habitants, 2,6 % de logements sociaux), Le Pian-Médoc (Gironde, 5 373 habitants, 0 % de logements sociaux) ou encore Saint-Clément-de-Rivière (Hérault, 4 581 habitants, 0,1 % de logements sociaux) en faisant partie de ces 10 % de cancres (67 communes) qui n’ont carrément financé aucun logement social en cinq ans (voir tableau).

        un choix délibéré de ne pas respecter la loi

        « La non-construction, ou la faiblesse de construction, représente donc un choix délibéré de ne pas respecter la loi, laissant entendre que le public demandeur de logements sociaux doit s’orienter vers d’autres communes parfois éloignées », estime la Fondation Abbé-Pierre. « Ne pas appliquer la loi, c’est refuser la solidarité territoriale, et c’est inacceptable. Au moment où l’on nous parle d’un plan pour les banlieues, il faut que l’État agisse avec fermeté pour ne pas que certaines communes concentrent une grande partie des HLM quand d’autres les repoussent et en font même un argument électoral. »

        Mais il ne suffit pas de construire des logements sociaux pour figurer au tableau d’honneur des villes les plus vertueuses. Encore faut-il savoir quel type de logement est construit. Ainsi, certaines villes ont cru remplir leurs obligations en construisant essentiellement des logements PLS (dits « intermédiaires »), qui, bien que comptabilisés comme HLM, ne sont pas accessibles aux ménages modestes. C’est le cas de Cannes, Aix-en-Provence, Bordeaux ou encore d’Asnières.

        Enfin, la Fondation n’oublie pas que c’est avant tout à l’État de faire respecter la légalité. La loi SRU avait prévu que des constats de carence soient réalisés tous les trois ans afin de pénaliser financièrement les communes qui ne faisaient rien ou pas assez. Or, seuls 140 constats ont été dressés lors du dernier bilan, en 2005, alors qu’un nombre bien plus important de communes ne respectait pas leurs obligations. Cette mansuétude des préfets, puisque ce sont eux qui doivent établir ces constats, confirme pour Patrick Doutreligne « un certain laxisme de la part de l’État, voire une complaisance des pouvoirs publics pour des situations pourtant intolérables ».

        Au ministère du Logement, on ne nie pas, sous couvert de l’anonymat, l’inaction de l’État en ce domaine, du moins jusqu’à présent. Car les temps ont, semble-t-il, changé, veut-on nous inciter à croire. Dans un communiqué, Christine Boutin a fait savoir hier que « la volonté de l’État d’appliquer avec la plus grande détermination la loi SRU ne peut être mise en cause ». Ça tombe bien, 2008 est justement une année pendant laquelle doivent être réalisés ces constats de carence. Le rapport d’Étienne Pinte, député et maire (UMP) de Versailles, sur les sans-abri remis au premier ministre propose même que l’État se substitue aux maires défaillants pour signer les permis de construire des logements sociaux…

        Il n’y a plus qu’à attendre que la volonté de l’État s’applique. Cela devrait être facilité par la proximité politique du gouvernement avec les mairies brocardées par la Fondation Abbé-Pierre. Sur les cinq villes de plus de 50 000 habitants qualifiées de mauvais élèves de la loi SRU par la Fondation Abbé-Pierre, nous avons eu la faiblesse de remarquer que toutes étaient des mairies UMP…

        Cyrille Poy

        1 commentaire :

        Anonyme a dit…

        Je suggère qu'il devrait être instauré, pour tous les maires qui n'ont pas obéit à la loi, une suspension de leur droit à délivrer des permis de construire autres que pour des logements sociaux, jusqu'à ce que les objectifs minimum requis par la loi soit atteint. Peut être qu'à partir de là, eux et leurs administrés actuels et futurs comprendrons que ce n'est pas uniquement une question d'argent mais de solidarité nationale !

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